Bilan carbone et compensation carbone en 2023 : pratiques sensées ou obsolètes?
Si l’un est un outil précis de mesure mais couteux et chronophage, l’autre est souvent vue comme une sorte de passe-droit pour polluer ou même une solution anti-culpabilité. Retour sur des discussions animées lors des BIS de Nantes.
La question de l’utilité du bilan carbone était posée lors d’une discussion animée par Fanny Valembois (The Shift Project) et Dominique Béhar (REEVE) lors des BIS à Nantes : “Un bilan carbone en 2023, c’est encore utile ou pas?”
Le bilan
Le bilan carbone tel qu’on l’entend aujourd’hui désigne une méthodologie permettant d’évaluer de manière assez précise les émissions de gaz à effet de serre directes ou induites par une activité1. Développée par Jean-Marc Jancovici la méthode a été diffusée en France par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) qui en a fait une marque déposée.
La discussion qui s’est tenue lors des BIS était animée et a amené différents éléments de réponses à la question de l’utilité du bilan carbone sans trancher pour autant. On pourrait résumer la réponse à : ça dépend quand, pour qui et comment. Faire un bilan carbone est un processus long qui demande des ressources financières conséquentes. De plus le résultat consiste en une photographie (relativement) précise des émissions à un temps T pour une activité, une structure ou un événement. Ainsi, il peut être intéressant, en fonction de la situation de tout un chacun, de consacrer ses ressources à des solutions de réduction d’émissions sans nécessairement passer par la case “bilan carbone”. En effet, dans de nombreux cas, on peut trouver des bilans carbones publiques de structures semblables en taille, en domaine d’activité et en fonctionnement qui ont déjà publié un bilan carbone et dont les émissions seraient sensiblement comparables aux données produites par un nouveau bilan. Dès lors, si un bilan carbone permet de comprendre sa contribution au dérèglement climatique, il doit surtout être utilisé pour évaluer ses progrès et servir de point de départ à une stratégie de réduction des émissions. On retiendra l’intérêt de choisir un consultant qui connaît le secteur d’activité sur lequel il/elle travaillera pour être maître de tous les tenants et aboutissants.
La compensation
La question de la compensation carbone, qui lors des BIS a fait l’objet d’une discussion présentée par Fanny Valembois (The Shift Project) et Gwendolenn Sharp (The Green Room), était nettement plus tranchée. Intitulée “Compensation carbone, une mauvaise stratégie contre un véritable problème”, les deux expertes étaient unanimes sur la question : “la compensation carbone est un business qui n’apporte rien à la problématique de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.” Et peut-être même pire : la compensation carbone constitue donc un passe-droit pour polluer puisque, par son principe de compensation elle valide des pratiques qui n’ont simplement pas lieu d’être. Si le fait de planter un arbre à l’autre bout du monde est en soi une bonne pratique, cette dernière n’annule pas la combustion des litres de kérosène suite à un vol de plusieurs heures. Et si nous arrêtions simplement de prendre l’avion plutôt que de compenser ?
Enfin, n’oublions pas le risque potentiellement pervers de la compensation carbone, déjà énoncé en 2018 par le think thank ‘Pour La Solidarité’, concernant certaines pratiques : “couvert par la neutralité carbone, les entreprises ou les particuliers ont intérêt d’un point de vue économique à augmenter leurs émissions et à les compenser ” 2.
En conclusion, nous retiendrons qu’un bilan carbone reste un outil qui doit permettre de progresser en matière de durabilité et d’empreinte carbone. Ainsi, pour le Forum de la Culture Durable organisé à Namur en novembre 2022, un bilan carbone de l’événement nous a permis de visualiser l’impact gigantesque que deux billets d’avions en provenance de Marseille peuvent avoir sur nos émissions : représentant à eux seuls 57% de l’ensemble des déplacements du Forum (intervenants, participants, organisation, prestataires).
Pour aller plus loin, vous pouvez découvrir l’explication du concept de bilan carbone par Frédéric Mathot pour EventChange ici.
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1 Activité qui peut être économique ou non.