EventChange à la 2e édition des Rencontres ARVIVA
Une semaine après le premier Forum de la Culture Durable organisé par EventChange au Delta à Namur, l’équipe mettait le cap pour l’Hexagone afin de participer à la deuxième édition des Rencontres ARVIVA à Marseille. Trois jours de conférences, tables rondes, et rencontres autour de l’écologie et du durable dans les arts vivants. Organisées à la Friche La Belle de Mai au coeur de la Cité Phocéenne, les rencontres étaient l’occasion pour l’équipe de rencontrer les acteurs français du secteur, de suivre des conférences pertinentes autour des thèmes de la coopération et de la cohabitation, de participer à des ateliers concrets et de s’inspirer mutuellement pour l’organisation de journées thématiques et/ou sectorielles pour le secteur en 2023. Compte rendu de ces quelques jours en terre marseillaise.
La Friche La Belle de Mai : un décor évocateur
S’il fallait rappeler que culture, écologie, coopération et mutualisation doivent être associés, le lieu choisi par ARVIVA pour ses rencontres s’en charge parfaitement. L’ancienne usine de la Seita est aujourd’hui lieu de création et d’innovation : la Friche la Belle de Mai est à la fois un espace de travail pour 70 structures résidentes (350 artistes, producteurs, salariés au quotidien) et un lieu de diffusion (600 propositions artistiques publiques par an). Avec près de 450 000 visiteurs par an, c’est un espace public multiple de 45 000 m2 où se côtoient 5 salles de spectacles et de concert, des jardins partagés, une aire de jeux et de sport, un skatepark, un restaurant, une librairie, une crèche, 2400 m2 d’espaces d’exposition, un toit terrasse de 8000 m2, et un centre de formation.
Et si on automatisait les calculateurs d’impacts?
La journée du lundi nous a permis de découvrir le travail réalisé par BMA et son projet IMPACT(S) qui vise à intégrer un calculateur automatique des impacts environnementaux, sociaux et territoriaux aux outils de gestion déjà utilisés par les professionnels du secteur musical français. Un atelier avec une méthodologie de concertation que nous détaillons ici.
Annamaria Lammel et l’oiseau mexicain
C’est mardi que l’ensemble des acteurs du secteur des arts vivants se retrouvaient pour commencer la journée par des tables rondes, précédées d’une discussion d’introduction entre Annamaria Lammel, autrice des 5e et 6e rapports du GIEC, et la journaliste Saskia De Ville.
On retiendra de la scientifique son insistance sur le fait qu’“on a besoin de tout le monde pour assurer une planète vivante.” (…) Et que même si “le dernier rapport est très alarmant (…), il faut rester résilient et optimiste à l’image de cet oiseau à Mexico qui a fait son nid au milieu des câbles électriques” a déclaré Annamaria Lammel en présentant une photo qu’elle avait prise quelques semaines auparavant. Photo représentative à la fois de la force de la nature et des dangers pour le vivant.
Coopérer
La première table ronde se concentrait sur le thème de la coopération rassemblant Hichem El Garrach Balandin (Cagibig), Céline Saint Martin (Scènes Obliques), Sandro De Gasparo (IE-EFC), Lucie Domingo et Jérôme Plaza (Friche La Belle de Mai). Outre la présentation très riche de cas concrets de coopération que sont le collectif Friche Verte et les projets d’expériences transversales développés par Scènes Obliques et notamment son événement “L’esprit des Lieux”, la discussion a pris une vraie profondeur avec les notions d’économie de la fonctionnalité et de la coopération. On retiendra ici que la mutualisation est nécessaire pour arriver à créer une nouvelle coopération de développement économique. Entre autres, par le fait qu’il faut sortir du modèle productiviste classique et construire une nouvelle orientation économique pour penser les choses autrement. Notamment par la valeur de l’usage. Ainsi, la valeur d’un équipement est dans son usage et non pas dans l’équipement lui-même. Ce qui rend en quelque sorte la mutualisation piégeante aussi car elle reste concentrée sur la dimension matérielle des choses alors qu’elle doit permettre de développer les vrais enjeux qui sont, quant à eux, relationnels (formation, éducation, soins, accompagnements, etc.). L’art étant donc fondamentalement nécessaire dans cette optique. Enfin, on insistera sur deux phrases pertinentes de Hichem El Garrach Balandin : “L’écologie c’est compliqué et difficile et on doit accepter que c’est complexe pour l’aborder.” et “J’en ai marre d’entendre qu’il faut du fric pour faire la transition écologique! Il faut taffer!”
Cohabiter
La seconde table ronde s’est jouée à un niveau qu’on pourrait qualifier de plus philosophique. Rassemblant Julie Sermon (Université Lyon 2), Chloé Latour (Consortium “Où atterrir?”), Francis Talin (Parc National des Calanques) et Alexandre Koutchevsky (Auteur et metteur en scène), les discussions se sont concentrées sur la notion de cohabitation entre l’homme et son territoire, son environnement. De nombreuses thématiques ont été abordées, dans un premier temps par le prisme du théâtre d’Alexandre Koutchevsky dont les œuvres se jouent exclusivement en dehors des théâtres, ce qui lui permet de rencontrer plus facilement les gens car il joue pour eux dans leurs propres paysages. Ensuite par la notion du théâtre comme lieu de formation et d’interrogation sur les sujets d’environnement et de durabilité. Julie Sermon a ainsi partagé les simulations réalisées dans un théâtre avec des étudiants comme s’ils étaient intervenants à la COP et Chloé Latour a expliqué les formations développées par son Consortium “Où Atterrir?” (créé autour du livre du même nom, écrit par son père, Bruno Latour) et suite aux expérimentations théâtrales “Make it Work” : “Il y a un travail pour changer ses représentations du monde. Comme les gens sont dans un théâtre, cela ouvre le champ des possibles, cela permet de cohabiter avec des mondes différents : des entreprises, des scientifiques, des artistes. On essaie de faire des exercices pratiques où l’on arrive à décrire ce dont on dépend.” En mettant ainsi des mots précis sur des ressentis on peut repenser le rapport à la nature car on arrive enfin à le définir précisément. Enfin, les questions de cohabitation se sont aussi penchées sur les enjeux concrets que vit le Parc Naturel des Calanques et notamment par sa situation géographique particulière qui le rend à la fois urbain et péri-urbain et le fait que “le Parc Naturel des Calanques est le territoire résiduel sur lequel à pu se développer la ville. Maintenant la vraie question est de savoir comment l’espace naturel peut-il ré-ensauvager la ville ?” s’est demandé Francis Talin.
SEEDS : le calculateur développé par ARVIVA
Titanesque nous semble être le mot le plus adapté pour qualifier le travail abattu par les équipes d’ARVIVA pour développer SEEDS : un outil pour mesurer son empreinte environnementale qui consiste en un calculateur d’impacts carbone qui donne aussi un score de biodiversité et un score de circularité des ressources. L’outil dont l’assemblée a pu s’emparer mardi après-midi doit encore être peaufiné mais il est très prometteur. Il permet d’attribuer (sur base déclarative) une note à un projet, une structure (ou fonctionnement) et même un bâtiment. De nombreux embranchements et distinctions sont possibles et s’il nous faut encore un peu de temps pour explorer la myriade de fonctionnalités, le premier aperçu est très encourageant. Le calculateur devrait être opérationnel et accessible à tous.te.s sur le site d’ARVIVA le 10 janvier 2023. Notre seule interrogation réside dans la potentielle inclusion de l’outil développé par BMA de son côté à celui d’ARVIVA et/ou inversément et pourquoi pas étendre ces derniers à l’ensemble des autres secteurs culturels. Affaire que nous suivrons avec attention donc.
La journée de mardi s’est terminée sur la remise des prix officielle du Tremplin ARVIVA qui récompensait quatre projets : Visiophares (par l’association Croco Fumé), Ressac (par la compagnie Mange Nuage), La tournée Slow Fest 2023 (par le collectif Slow Fest) et l’Odyssée de l’eau (par le collectif IO).
Échange entre accompagnants
Mercredi matin marquait la fin de ces trois journées de rencontres et nous a permis de discuter avec les autres accompagnants (éco-conseillers, formateurs et/ou consultants) du secteur culturel durant un temps d’échange de trois heures. Par petits groupes et ensuite collectivement, nous avons pu échanger sur les différentes pratiques que nous mettons en place, ce qui fonctionne ou non et tirer des conclusions sur ces trois jours riches en échanges.
Suite à quoi nous avons quitté la Friche la Belle de Mai l’esprit plein de nouveaux savoirs et avec une envie débordante d’appliquer les nouvelles méthodes de travail. C’est aussi un panel de nouveaux contacts qui, en tant que personnes ressources sur des thématiques spécifiques, pourront nous aider à développer de nouvelles pistes pour l’accompagnement de structures culturelles et d’événements en Belgique.