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  • Le Zéro Carbon Records ou l’art de réinventer les tournées musicales

    Le Zéro Carbon Records ou l’art de réinventer les tournées musicales

    Du 27 mai au 14 juin 2023, les musiciens, Manu Louis et Sylvain Chauveau, réinventent le modèle de la tournée musicale en parcourant la Belgique à vélo. Intitulé Zéro Carbon Record, ce projet s’ancre dans le contexte de l’urgence écologique. Neuf concerts constellent leur trajet à vélo en complète autonomie. Le 27 mai 2023, jour J du départ de la tournée, ils se livrent à nous …

    Des questionnements en prise avec la situation écologique actuelle

    Représentations aux quatre coins du monde, voyages express des artistes en avion, surenchère des productions de spectacles, marketing permanent, scénographies ultra-consommatrices d’énergie, impact d’un numérique grandissant, l’industrie musicale se retrouve en proie à de nouveaux questionnements dans un contexte de crise écologique. Pendant longtemps pris dans la frénésie des tournées internationales, Manu Louis et Sylvain Chauveau ont un déclic pendant le confinement. Comme de nombreuses personnes, ils se réjouissent des bonnes nouvelles découlant d’une activité humaine plus raisonnable.

    “J’ai eu un nouveau déclic, de la gravité du problème écologique et j’ai commencé à réfléchir sur ce que collectivement on était en train de faire. Je me suis aperçu qu’en tant d’artiste, on était complètement dépendant, à toutes les étapes, des hydrocarbures. Je me suis rendu compte que cette façon de faire de la musique n’est plus viable. Au bout d’un moment, la question s’est posée avec Manu : sommes-nous condamnés à ça ? Y’a-t-il une porte de sortie ? ” nous partage Sylvain Chauveau.

    Au lendemain du confinement, ils décident de faire les choses autrement et de se lancer le défi : une tournée sans électricité, sans essence et sans émission de carbone.

    La guitare sur le porte-bagages

    Nait alors l’idée du Zéro Carbon Records, il s’agit d’une part d’envisager des tournées sans électricité et d’autre part de ne faire aucune production de disques ou de diffusion en ligne. Du 27 mai au 14 juin 2023, les artistes se lancent dans une tournée pilote. C’est aux côtés de leurs vélos chargés de leur matériel de tournée que les artistes expliquent leur démarche :

    “Notre conviction à tous les deux, c‘est que l’industrie musicale telle qu’elle est aujourd’hui va s’arrêter, soit par épuisement des ressources en métaux et en énergie qui la font tourner, soit parce qu’il y aura une prise de conscience du problème climatique de plus en plus aiguë et qu’on va décider de freiner sur les usages. Dans tous les cas, ça ne pourra plus continuer. Quand est-ce qu’on commence à se préparer à cela ? Nous, d’une certaine manière, on veut dire : commençons à se préparer à ça.”

    Ce choix constitue une nouvelle façon de se redécouvrir et de réinventer leur musique, en rien une limite. Manu Louis affirme que “c’est aussi le charme de se restreindre”, Sylvain ajoute que “c’est jouer le jeu de se réinventer”. Les musiciens partagent la scène en concert acoustique, l’occasion de créer un nouveau répertoire musical, sans amplification sonore ni lumière. Cela constitue un défi de taille pour ces adeptes de musique électronique. Deux guitares sèches, un harmonium, un mini banjo, quelques instruments de percussions, une valise de vêtements se trouvent dans la remorque à l’arrière d’un des vélos.

    Manu Louis à gauche, Sylvain Chauveau, à droite, le jour de leur départ le 27 mai 2023 à Bruxelles.

    La première exigence de ce modèle de tournée consiste à faire des concerts en jauge réduite. Les trajets à vélo impliquent également des distances moins grandes entre chaque lieu de représentation, l’occasion de faire des concerts dans des lieux parfois éloignés des programmations éclectiques des grandes villes. Les artistes parcourent entre 30 et 60 kilomètres par jour, leur tournée se compose de neuf étapes :

    Cette volonté zéro carbone ne se fait pas sans mal et les artistes ont conscience des limites de leurs ambitions, Manu affirme “Zéro carbone, c’est presque un idéal qu’on entrave constamment”. La communication sur les réseaux sociaux, la création d’un site, l’après-concert constituent autant de freins à une tournée 100% décarbonée et les artistes ne se revendiquent pas comme parfaits non plus. Cette tournée pilote constitue un défi tant technique que physique, Sylvain Chauveau ironise : “nous sommes comme des footballeurs qu’on envoie sur la lune”, insistant sur le challenge que constitue cette première.

    Une volonté de ré-imaginer l’industrie musicale

    Cette tournée s’ancre plus largement dans une façon de réinventer notre rapport à la musique dans une perspective écologique. Le Zéro Carbon Records s’érige en label, en imaginant de nouveaux discours et en se servant de nouveaux outils, ce label certifie une tournée décarbonée de la part des artistes qui en font parti.

    En dehors des tournées à vélo, c’est également à la production musicale que les artistes souhaitent s’attaquer, “faire des disques sans pétrole” affirment-ils. L’idée est de ne plus avoir de production matérielle ni de diffusion numérique, toujours dans une perspective écologique. En ne faisant que de la musique live, Manu et Sylvain souhaitent revenir à une industrie musicale soucieuse de l’environnement et plus proche du public.

    Les musiciens portent avec ambition ce projet qui se veut pérenne. L’idée de tournées à vélo et d’une musique décarbonée plaît également à d’autres artistes, conscients de l’urgence climatique. Une tournée labellisée Zéro Carbon Records est prévue pour mars 2024 avec l’artiste percussionniste Julian Sartorius. Beaucoup d’idées sont également en marche : partager des partitions afin de permettre la circulation de la musique sans pour autant que l’artiste ne se déplace, utiliser des vélos couchés pour de plus longues distances, jouer avec des artistes locaux ou encore partager les instruments de musique. Beaucoup d’idées qui donnent espoir quant à la résilience de l’industrie musicale …

    Retrouvez-les le 14 juin, ils partageront leur expérience autour d’une table ronde intitulée “ Avec zéro carbon, que reste-t-il ?” au BRASS, à Bruxelles.

    Vous pouvez suivre la tournée pilote Zéro Carbon Records sur Instagram et sur leur site.

    Le détail du trajet et des lieux de représentations :

    Départ le 27 mai de Bruxelles

    Gand, Trefpunt – 28 mai

    Mouscron, La Faune – 30 mai

    Lille, Maison folie de Moulins – 3 juin

    Tournai, Silex – 4 juin

    Liège – 9 juin

    Maastricht, Lutherse Kerk – 11 juin

    Hasselt, concert d’appartement – 12 juin

    Bruxelles, Le Brass – 14 juin

  • La jeunesse récompensée pour son engagement culturel durable

    La jeunesse récompensée pour son engagement culturel durable

    C’est aux côtés de la Ministre de la Jeunesse, Valérie Glatigny, que posaient fièrement les jeunes organisateurs du GreenFeel Festival le 9 mars dernier à Bruxelles. Récompensés pour leur engagement dans l’organisation du Festival écoresponsable de Fontaine-l’Evêque, ils ont été sélectionnés comme coup de cœur parmi 39 participants par le Service Jeunesse et le Forum des Jeunes, dans le cadre de l’Année européenne de la Jeunesse.

    La Ministre Valérie Glatigny (au centre) entourée des organisateurs du GreenFeel Festival

    Cette soirée, qui a eu lieu au Grand Hospice à Bruxelles, était un moment pour mettre en lumière les initiatives et l’engagement associatif de la jeune génération. Lors de cette rencontre, les jeunes ont pu assister à un spectacle organisé par le Bureau International Jeunesse (BIJ) de la compagnie VIVANTS!

    Le Greenfeel Festival a été récompensé d’un subside de 3000 euros afin de reconduire une nouvelle édition en septembre 2023 ! La valorisation de ce projet souligne l’attention portée sur ces initiatives qui forgeront le monde culturel de demain.

    Ce prix récompense plusieurs mois de dur labeur et couronne une première expérience engagée dans le monde de la culture :

    Forcément on était surpris de voir que notre initiative a été récompensée à cette échelle ! Ça fait plaisir et ça encourage !” – Jeune organisateur

    Un Festival durable qui souligne que la jeunesse a son mot à dire

    Ce festival, engagé et porté par de jeunes organisateurs de la Maison des Jeunes Case Départ, s’est démarqué par son identité écocitoyenne et s’est concrétisée par des actions sur le terrain, véritable laboratoire des festivals de demain.

    Ce Festival a eu lieu le 17 septembre 2022 à Fontaine-L’Évèque. Il a été entièrement organisé par un groupe de jeunes avec l’appui de Livia, coordinatrice et animatrice de la MJ. Elle souligne :

    Ce festival est novateur en ce sens qu’il est fait pour les jeunes et par les jeunes !”

    L’écologie est au cœur de l’identité du Greenfeel Festival, preuve d’un engagement de la part des jeunes organisateurs. Plusieurs initiatives durables ont été mises en place. L’utilisation de jetons en fécule de pomme de terre biodégradable a permis non seulement de réduire l’impact environnemental de l’événement mais aussi de sensibiliser le public à la valorisation d’échanges locaux. La présence de toilettes sèches a évité la consommation d’eau, une option végétarienne a été proposée afin de réduire l’impact carbone de l’alimentation, les déchets ont été réduits grâce à l’utilisation de gobelets réutilisables mais aussi via le remploi de matériaux pour la scénographie et la décoration du site. L’unique goodies du festival était une carte postale à planter avec le logo du festival et les T-shirts de l’équipe bénévole ont été sérigraphiés en amont pour réduire l’empreinte carbone, les festivaliers pouvaient également repartir chez eux avec un T-shirt estampillé aux couleurs du Festival, produit avec la même technique. Enfin, les acteurs locaux étaient impliqués dans la programmation : apiculteur, productrice de fruits et jus locaux, grainothèque, sans parler de la line-up musicale qui laissait place aux jeunes talents et découvertes.

    Ça faisait sens avec l’actualité environnementale, c’était aussi logique de travailler avec des gens du coin et puis ça rassemblait des gens autour d’un projet commun qui faisait sens !”

    Et cela a visiblement porté ses fruits comme le témoigne un des jeunes organisateurs : “On a adoré que ça plaise à autant de monde, on était surpris mais super contents” – un jeune bénévole.

    Cette organisation de neuf mois a été récompensée par une belle première édition le 17 septembre 2022, certes pluvieuse mais tout de même très joyeuse ! Les jeunes organisateurs ont pu profiter de leur travail en savourant une programmation variée (concerts de rap, acoustique, stand do-it-yourself, friperie…) aux côtés de leurs proches et des habitants du village !

    J’ai adoré rencontrer les artistes du groupe Les Krackheads, c’était cool aussi de pouvoir passer en coulisse et voir ce qu’il se passe derrière !” – un jeune bénévole

    Cet événement a été accompagné par EventChange concernant les ambitions durables et écoresponsables. Cette première expérience couronnée par ce prix promet une belle édition du Greenfeel Festival en septembre 2023 !

    Oui, on est très motivés pour une seconde édition, toujours dans le thème de l’écologie !”

  • Après les gobelets réemployables, place à la vaisselle !

    Après les gobelets réemployables, place à la vaisselle !

    Si la question de l’usage de gobelets réemployables lors d’événements ou de festivals est (presque¹) acquise partout en Belgique, il en va autrement concernant la vaisselle à proprement parler. Ce qui peut sembler être un poste logistique simple à aborder de prime abord se révèle plus compliqué qu’il n’y paraît à mettre en place. À travers cette petite marche à suivre nous allons voir comment intégrer assiettes et bols réemployables à votre événement.

    Les types de vaisselle : à boire et à manger

    Avant d’aborder la question de la vaisselle réemployable, il est intéressant de faire le point sur les différentes options qui existent et les avantages et inconvénients qui en découlent. 

    1. La vaisselle à usage unique
    • La vaisselle comestible est une piste intéressante qui permet d’éviter tous déchets supplémentaires mais qui peut s’avérer coûteuse et dont il faut bien vérifier la provenance.
    • La vaisselle dite “biodégradable” peut s’avérer intéressante mais il faut bien vérifier de quoi il s’agit réellement (attention au greenwashing et au cycle de fin de vie du matériau).
    • La vaisselle compostable est une bonne solution si elle est réellement compostée. Cela nécessite donc de vérifier le cycle de fin de vie des contenants en question.²
    • La vaisselle recyclable n’est intéressante que si elle est effectivement recyclée et donc valorisée sur le territoire de votre événement. 
    • La vaisselle jetable est à éviter le plus possible. Bien que les plastiques à usages uniques soient désormais interdits, il faut absolument éviter de créer des déchets supplémentaires.

    Si certaines solutions de vaisselle à usage unique peuvent sembler intéressantes, n’oublions pas que le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. Il est donc plus pertinent d’un point de vue environnemental de privilégier la pérennité des matériaux et donc de s’orienter vers des solutions de vaisselle lavable et réemployable comme décrites ci-dessous.

    1. La vaisselle réemployable
    • La vaisselle lavable (en dur) est la solution la plus écologique et la plus durable mais demande évidemment de s’intéresser à la difficile question logistique du stockage et du lavage (cfr plus bas).
    • La vaisselle lavable en plastique dur (Polypropylène : le même matériau que pour les gobelets réemployables) est aussi une solution intéressante car réemployable d’événement en événement mais demande aussi une certaine logistique et la mise en place de systèmes de caution.

    La mise en place

    Si les avancées en la matière se font graduellement, de plus en plus d’événements essaient des choses devenant ainsi des sources d’inspiration pour d’autres et documentant aussi ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Il est cependant important de retenir que chaque événement étant unique, la mise en place de vaisselle réemployable doit se faire au cas par cas en prenant en compte la localisation, le public, la jauge, les menus proposés et les spécificités de l’événement.

    NDLR : Nous aimerions attirer l’attention sur le fait que certains événements de par leur emplacement et site se prêtent plus facilement à la mise en place de vaisselle réemployable que d’autres. Il faut prendre en compte le type d’événement dans son contexte et tous les aspects économiques et organisationnels comme l’explique Mathieu Bogaerts de Brussels Major Events : “Il est aujourd’hui plus simple de mettre en place de la vaisselle réemployable sur un événement en site propre comme un festival fermé avec des bénévoles par exemple que lors d’une manifestation publique prenant place au cœur d’un centre urbain. Que ce soit en termes de restaurateurs (nombre fixe), de gestion des quantités de contenants ou de récupération de ceux-ci par exemple.

    Quelques exemples : 

    En Wallonie, le festival l’Amour en vers, déjà fortement impliqué dans une démarche durable, sert tous les repas du festival dans des contenants lavables durs et fonctionne avec un système de lavage en interne grâce à l’aide de bénévoles.

    Le festival LaSemo fonctionne avec de la vaisselle réemployable depuis 2021. Accueillant près de 30 000 festivaliers, le festival situé dans le parc d’Enghien loue l’ensemble des contenants auprès d’un fournisseur extérieur qui se charge aussi du nettoyage de ceux-ci. Ce changement à permis au festival de générer 2,8 fois moins de déchets organiques, sachant qu’il fonctionnait uniquement avec de la vaisselle compostable (jetée dans la fraction organique) avant 2021.

    A Bruxelles, un test financé par Bruxelles Environnement suite à un appel à projet “climat” a permis au BME de mettre en place de la vaisselle réemployable pour la première fois sur le site de Plaisirs d’Hiver lors de son édition 2023. Ce premier test a fonctionné avec 12 commerçants sur la place De Brouckère avec l’intention d’élargir celui-ci à 35 commerçants en 2024. La question épineuse qui doit encore être solutionnée pour BME est le coût humain qu’implique d’avoir du personnel de gardiennage pour les cautions et du personnel pour la récupération des contenants. Ils travaillent d’ailleurs avec leur fournisseur sur la mise en place de machines automatisées pour la récupération des contenants qui seraient affublés d’une puce RFID.

    En Flandre, le Paradise City Festival (près de 30 000 festivaliers en 2022) a mis de la vaisselle réemployable en place sur l’ensemble du site en 2022. Les 6800 contenants en polypropylène ont permis une baisse de 275kg de déchets résiduels³ par rapport aux années précédentes.

    Le Marché de Noël d’Anvers fonctionne aussi avec de la vaisselle réemployable en polypropylène depuis 2023. Les organisateurs ont pris le parti d’imposer ce mode de fonctionnement à l’ensemble des foodtrucks/restaurateurs présents sur le site. Le grand changement pour l’année prochaine “sera de fonctionner avec un point de collecte central pour récupérer la vaisselle. Ils se sont rendu compte que le fait de ramener les contenants auprès de chaque stand compliquait les choses et posait des questions d’un point de vue hygiène” explique Christophe Lampertz de Re-uz. 

    En France, les exemples aussi se multiplient (notamment depuis l’introduction de la nouvelle loi du 1er Janvier 2023⁴) : Le festival WE LOVE GREEN a décidé de faire un test avec 10 restaurateurs en attendant d’étendre le concept de leurs “menus 100% végé dans des contenants 100%” réemployables à l’ensemble des restaurateurs du festival l’année prochaine.

    Autre exemple avec une jauge plus réduite : le festival des Pluies de Juillet n’a pas attendu l’entrée en vigueur de la loi française pour mettre en place un système avec de la vaisselle traditionnelle et impliquer directement les festivaliers pour le lavage. Ainsi, chacun fait sa vaisselle permettant une réutilisation des contenants et une sensibilisation du public.

    En Suisse, le Paléo festival (300 000 festivaliers en 6 jours en 2022) est passé entièrement à la vaisselle réemployable en 2022. En matière de staff, cela implique 300 personnes dédiées au ramassage, lavage et remise en circulation des gobelets et éléments de vaisselle réemployable pour le plus grand festival de Suisse. Depuis 2022, c’est la location de la vaisselle réemployable qui a été privilégiée en attendant de tirer les conclusions de cette expérience à grande échelle. Le site Blick a d’ailleurs réalisé une petite vidéo sur les coulisses de la vaisselle au Paléo.

    Concrètement : 

    La mise en place de vaisselle réemployable (traditionnelle ou en plastique dur) demande de bien réfléchir en amont et de répondre à quelques questions⁵. 

    1. De quoi a-t-on besoin ?

    C’est la première étape de la mise en place de vaisselle réemployable sur votre événement. En fonction de la jauge de ce dernier, du type de nourriture servie et de la manière dont vous fonctionnez (prestataires extérieurs pour l’alimentation ou gestion interne), il est important d’évaluer les quantités de vaisselle dont vous avez besoin et aussi ce dont vous n’avez pas besoin.

    À partir de là, se pose la question du type de vaisselle utilisée : 

    • Que ce soit pour un catering artiste ou pour l’espace équipe/bénévole, ou même sur un événement de taille réduite⁶, vous pouvez plus facilement récupérer de la vaisselle traditionnelle en seconde main ou via des dons afin de l’utiliser lors de votre événement. Après, il faut envisager la question du lavage que nous aborderons plus bas.
    • Si pour des raisons de jauge, de quantité ou de sécurité, la vaisselle traditionnelle ne semble pas être une option viable, la vaisselle réemployable en plastique dur est la meilleure solution. 
    1. Acheter de la vaisselle ou louer ?

    Il devient véritablement intéressant d’acheter votre propre vaisselle (traditionnelle ou en plastique dur⁷) à partir du moment où vous en avez une utilisation régulière⁸. Si vous organisez un événement par an, il est préférable de la louer car l’achat implique aussi de gérer le stockage. Il est aussi important de privilégier la vaisselle non floquée car elle permet d’être réemployée lors de différents événements. Une bonne piste peut aussi être de co-financer un achat de vaisselle avec d’autres événements afin que celle-ci tourne un maximum en fonction des besoins de chacun, la rendant ainsi plus durable et demandant un investissement moindre.

    Aujourd’hui, de nombreuses entreprises proposent aussi la location de vaisselle traditionnelle et/ou en plastique dur (Polypropylène). Si l’offre pour la vaisselle en plastique dur en Belgique concerne encore principalement les gobelets, elle se développe peu à peu et de nouveaux partenaires potentiels voient le jour. De nombreux professionnels de l’HORECA et de l’événementiel proposent déjà, et depuis longtemps, de la vaisselle traditionnelle en location. Si le prix de ces dernières est souvent abordable, il faut faire attention aux cautions qui peuvent, à l’inverse, être chères.

    1. Et le lavage dans tout ça ?

    Si un événement de taille plus réduite peut plus facilement gérer le nettoyage de sa vaisselle, plus les jauges augmentent, plus il devient logistiquement compliqué de gérer sa vaisselle en interne. C’est pourquoi aujourd’hui, les fournisseurs de vaisselle proposent souvent de se charger du nettoyage de la vaisselle moyennant une compensation financière. Voici différents scénarios possibles : 

    • Vous possédez votre propre vaisselle (traditionnelle ou en polypropylène) :
      • Vous avez une jauge relativement réduite et elle est entièrement gérée par des bénévoles ou par les festivaliers (chacun nettoie son assiette comme aux Pluies de Juillet par exemple). L’avantage est que cela demande une équipe réduite de bénévoles, quelques stands de vaisselle et une signalétique adaptée.
      • Vous avez une jauge significative et décidez de gérer votre vaisselle en interne. Il vous faudra donc une équipe de bénévoles conséquente (exemple des 300 bénévoles dédiés uniquement à ce poste au Paléo Festival) et une véritable installation professionnelle de lavage (tunnels dédiés et tournantes d’équipes 24h/24).
      • Vous avez une jauge significative et décidez de déléguer le nettoyage de votre vaisselle vers des partenaires spécialisés. Vous devez avoir une équipe pour le ramassage, le comptage mais aussi prévoir suffisamment de quantités pour être certains de ne pas manquer de contenants pour tenir jusqu’à la fin de votre événement.
    • Vous louez la vaisselle (traditionnelle ou en polypropylène) auprès d’un fournisseur :
      • Celui-ci peut se charger du nettoyage de la vaisselle en échange d’une participation financière (pour la vaisselle en polypropylène il faut compter environ 10 centimes par contenant à nettoyer). Il faut alors prévoir des espaces de stockage sécurisés pour les caisses pleines de vaisselle propre et de vaisselle sale.
      • Vous pouvez vous charger vous même du nettoyage et cela implique de mettre en place une logistique adaptée avec des lave-vaisselles sur site et des bénévoles comme expliqué ci-dessus. 
    1. Un système de caution

    La vaisselle réemployable coûte cher (aussi bien à l’achat qu’à la location) et le système qui semble faire l’unanimité pour éviter d’en perdre est la mise en place de caution. Ainsi, le Paradise City Festival notait dans son rapport de l’édition 2022 une perte de 0,9% des contenants sur l’ensemble du festival. Le système en tant que tel n’est pas compliqué à mettre en place : 

    • Distribution de contenants aux restaurateurs/foodtrucks
    • Ajout du montant de la caution lors du paiement du plat (2€ par exemple)
    • Récupération des contenants à un endroit spécifique et retour de la caution au festivalier
    • Remboursement par les restaurateurs/foodtrucks de la caution aux organisateurs en fonction du nombre de contenants distribués

    Ce dernier demande cependant une bonne organisation et surtout une bonne communication avec l’ensemble des parties prenantes. C’est pourquoi il peut être intéressant d’inclure ce processus au sein des contrats et/ou d’une charte spécifique dédiée aux restaurateurs/foodtrucks en amont de l’événement.

    Un exemple type de mise en place

    Le Festival A, qui accueille 10 000 festivaliers par jour et une trentaine de foodtrucks/restaurateurs sur site, fonctionne avec de la vaisselle réemployable en polypropylène louée auprès d’un fournisseur. Chaque contenant coûte 15 centimes à la location auquel il faut rajouter 10 centimes de lavage. Le Festival A a mis sur pied une charte qui impose l’utilisation de ces contenants réemployables aux foodtrucks/restaurateurs présents lors de l’événement. Chaque foodtruck est contacté individuellement pour lui expliquer la marche à suivre et le sensibiliser aux effets positifs de ce dispositif. Ils ont aussi l’obligation de fournir (au besoin) des couverts compostables qui peuvent être jetés dans des composts⁹. Sur site, les foodtrucks se procurent des contenants auprès de l’organisation pour servir leurs plats au festivaliers. Les festivaliers s’acquittent du prix du plat ainsi que d’une caution de 2€ par contenant. Cette caution sera récupérée par le festivalier lorsqu’il ramènera son contenant vide au stand prévu à cet effet après avoir mangé. A la fin du festival les différents foodtrucks rembourseront les cautions perçues à l’organisation du festival pour chaque contenant distribué aux festivaliers. L’ensemble des contenants sales sont stockés dans un espace sécurisé, comptabilisés, puis renvoyés au fournisseur qui se charge (dans ce cas-ci) du nettoyage de ces derniers. Le Festival A fonctionne avec plusieurs tournantes de deux bénévoles pour assurer la récupération des contenants dans les deux stands prévus à cet effet et la distribution de contenants auprès des restaurateurs qui en auraient besoin.
    Cet exemple n’en est qu’un parmi tant d’autres et peut évidemment être adapté en fonction des besoins de chaque organisateur, de la taille de son événement et des différents prestataires et/ou fournisseurs étant parties prenantes. 

    Les conseils des pros – entretiens avec Christophe Lampertz de Re-Uz et Mathieu Bogaerts de BME

    Christophe Lampertz, de l’entreprise Re-Uz, a quelques conseils pour ceux qui souhaitent se lancer dans les gobelets ou la vaisselle réemployable : “Déjà, il faut s’y prendre à l’avance et surtout prendre le temps de le faire pour bien le faire. Les gens pensent souvent que c’est très simple à mettre en place mais il y a toute une logistique à prendre en considération. Il faut qu’ils contactent des spécialistes et qu’ils écoutent les conseils. Un exemple tout bête que je donne souvent c’est d’afficher les prix caution comprise. Cela facilite la vie des bénévoles et/ou restaurateurs qui servent la nourriture et les boissons. Un autre conseil pratique est de faire payer la caution à absolument tout le monde, c’est-à-dire le staff aussi. On se rend compte, suite à des essais avec des contenants de couleurs différentes pour les festivaliers et les bénévoles, que c’est lorsqu’il n’y a pas de caution qu’on dénombre des pertes de contenants. S’il n’y a pas de caution les gens ne respectent malheureusement pas le matériel.

    Pour Mathieu Bogaerts de BME : “Pour les gobelets, il faut arrêter d’avoir peur et de croire que c’est vraiment compliqué, si on trouve le bon partenaire ca roule tout seul. Pour ce qui est de la vaisselle réemployable on est encore en phase de test et il y a en effet plus d’implications mais de toute façon, tout ce que je peux conseiller aux gens et organisateurs c’est d’anticiper : soyez prêts parce que de toute façon ça va arriver.”

    Les partenaires et liens intéressants : 

    Gobelets et vaisselle réemployablesRe-Uzhttps://www.reuz.com/
    Gobelets réemployablesEcocuphttps://www.ecocup.be/fr/
    Gobelets réemployablesRekwuphttps://www.rekwup.be/
    Gobelets réemployablesBeeyohttps://beeyo.be/
    Gobelets réemployablesTibihttps://www.tibi.be/
    Gobelets réemployablesCharleroi Nature asblhttps://www.chana.be/?Services
    Gobelets réemployablesWakecuphttps://www.greenfunsolutions.be/fr/
    Gobelets et vaisselle réemployablesCup Concepthttps://cupconcept.com/be-fr/
    Gobelets réemployablesFesticuphttps://www.festicup.be/
    Gobelets réemployablesMake Your Cuphttps://www.makeyourcup.be/
    Gobelets réemployablesIpallehttps://www.ipalle.be/reduire-ses-dechets/location_gobelets_réemployables/
    Gobelets réemployablesEtacuphttp://www.etacup.be/
    Gobelets réemployablesGroupe La Lorrainehttps://www.lalorraine.org/fr/nettoyage/lavage-et-mise-a-disposition-de-gobelets-réemployables
    Gobelets réemployablesEcoverrehttps://www.ecoverre.com/
    Gobelets réemployablesBiopackhttps://www.biopack.be/fr/
    Gobelets réemployablesProvince de Liègehttps://www.provincedeliege.be/fr/node/15414
    Gobelets réemployablesIPIC Plastichttps://ipicplastic.be/fr/
    Gobelets réemployablesSappihttps://www.sappi.com/fr
    Gobelets réemployablesMj-musichttps://www.mj-music.be/gobelets-réemployables/
    Gobelets réemployablesLe guide qui rend ton évènement plus écocitoyenhttps://www.eventecocitoyen.be/nourriture-boissons/choix-gobelets-vaisselle-bouteilles/
    Gobelets réemployablesCupStackhttps://cupstack.nl/#
    Gobelets et vaisselle réemployablesCup&Morehttps://www.cupandmore.ch/de/miete
    VaisselleSaberthttps://www.sabert.eu/fr/
    VaisselleEcopoonhttps://www.ecopoon.be/fr/accueil.htm
    VaisselleAssiettes Comestibleshttps://www.assiettes-comestibles.com/
    Gobelets réemployablesNektohttps://www.nekto.be/lavage-de-gobelets-réemployables
    Contenants durablesMonousohttps://www.monouso.be/
    Contenants durablesFiesta Green
    Contenants réemployablesOuikithttps://www.zerowastefrance.org/wp-content/uploads/2017/05/diffusion-ouikit.pdf

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    ¹ Malgré la législation en place, certaines exceptions ont été accordées par les différents gouvernements belges concernant les gobelets réemployables, notamment pour ce qui est de “terminer les stocks de gobelets jetables encore existants”. Vous pourriez donc encore tomber sur des gobelets jetables lors de certains événements en 2023… De plus, comme le déplore Mathieu Bogaerts de BME : “Il n’y a absolument aucun contrôle de la part des autorités, il commence heureusement à avoir des attentes de la part du public ceci dit.
    ² Un exemple : le festival Esperanzah! en 2022 broyait les cartons/papiers et la vaisselle biodégradable sous forme de copeaux pour les réutiliser dans les toilettes sèches.
    ³ Soit l’équivalent de 740kg de CO2
    « La vaisselle jetable est interdite dans les établissements de restauration rapide servant plus de 20 couverts simultanément, pour tout ce qui est consommé sur place : les repas sont désormais servis dans de la vaisselle lavable et réemployable »
    ⁵ Le Collectif des Festivals (France) à d’ailleurs développé un flowchart en 2017 très intéressant et facile pour bien choisir  la vaisselle adaptée à son festival.
    ⁶ Ce qui est mis en place au festival “C’est pas d’la carotte” à Huy ou aux “Pluies de Juillet” en France par exemple.
    ⁷ Les contenants en plastique dur dédiés à la vente sont fabriqués en ABS et non en Polypropylène pour des raisons d’étanchéité des couvercles.
    ⁸ Par exemple, les gobelets doivent être utilisés environ 7 fois pour que le bénéfice écologique soit réel. Ils peuvent néanmoins être lavés jusqu’à 150 fois comme l’explique, notamment, cette vidéo du Collectif des Festivals.
    ⁹ La mise en place de couverts réemployables se heurte à des difficultés logistiques énormes pour les fournisseurs. “Notamment par le fait que ça représenterait des investissements gigantesques en matière de lave-vaisselles industriels qui sont tout à fait différents de ceux qu’on a déjà et pour lesquels on ne reçoit aucun subside aujourd’hui” explique Christophe Lampertz de Re-Uz.

  • [Vidéo] Penser la résilience écologique du secteur culturel par David Irle

    [Vidéo] Penser la résilience écologique du secteur culturel par David Irle

    Découvrez en vidéo la conférence présentée par David Irle lors du Forum de la Culture Durable qui s’est tenu au Delta à Namur le 22 novembre 2022.

    Retrouvez l’ensemble des ressources du Forum de la Culture Durable, dont les slides de cette conférence, ici.

    Stéphanie Lefevre a réalisé une infographie à propos de cette conférence :

  • [Regards croisés] Culture et Durabilité – Rapport de la journée à Bruxelles du 21 mai

    [Regards croisés] Culture et Durabilité – Rapport de la journée à Bruxelles du 21 mai

    Au premier semestre 2024, Pulse, EventChange et SamenDurable* ont organisé 3 activités bi-communautaires et inter-régionales pour les acteur·ices culturel·les à travers la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, dans le but de briser les silos, partager des idées et une réflexion critique, favoriser la dissémination et la traduction d’initiatives durables du secteur culturel belge.

    Après une première rencontre au Théâtre de Liège (19/02) axée sur les enjeux durables au sein d’une institution et une deuxième journée à Gand (26/03), centrée sur la dimension d’un territoire, en collaboration avec Greentrack et VierNulVier, le troisième et dernier événement au Globe Aroma à Bruxelles le 21 mai s’est construit sur la force qui caractérise le secteur culturel : les compétences artistiques. 

    Point de départ

    La pensée et l’action artistiques peuvent stimuler notre imagination et changer radicalement notre perception. N’est-ce pas exactement ce dont nous avons besoin aujourd’hui ? Innovation, imagination, prise de risque, agilité et esprit critique, mais aussi sensibilité sociale, connexion et empathie. Quelle est la valeur de ces compétences artistiques en temps de crise ? N’est-il pas temps de cesser de considérer l’art comme un luxe, mais comme une nécessité sociale ?

    Plus de 50 participant·es d’horizons variés se sont réuni·es à Globe Aroma pour un débat critique sur les questions et les besoins du secteur vis-à-vis de la politique, de son propre mode de fonctionnement et de la force de ses compétences spécifiques. 

    Radical times ask for radical solutions

    Trois artistes/collectifs – qui ont suivi l’ensemble des rencontres Regards croisés – ont imaginé, dans une visée prospective, leur pratique artistique en 2035. 

    Christophe Meierhans (Contrepied) emmène le public dans un exercice de pensée où les institutions ont disparu. Il dépeint un monde où l’art est descendu de son piédestal et fait désormais partie intégrante de notre vie quotidienne. 

    Jeff De Maeyer (collectif Terreurwilg avec Flora Van Canneyt) pense que l’art peut s’adapter. Il espère que d’ici 2035, la prise de conscience de la nécessité de produire en harmonie avec les limites de notre planète sera la nouvelle norme. Parmi les créateurs, les institutions et les gouvernements (qui les subventionnent). 

    Le Collectif 3e Vague (Maxime Arnould, Aurélien Leforestier et Léa Tarral) propose dix solutions concrètes pour 2035. Dans cette démarche prospective, le secteur culturel belge a dû suspendre ses activités en raison de l’insuffisance des ressources et du constat des conditions de travail. En conséquence, de nouvelles propositions émergent : un décret pour des directions plus inclusives, décoloniales et féministes ; des institutions qui abandonnent la notion de première et d’exclusivité, dans une dynamique non-concurrentielle ; une fin des gros festivals internationaux démesurés et impactants ; une priorité donnée au partage et à l’open source de l’art ; un modèle d’impôt de solidarité grâce à un portefeuille commun ; des créations diffusées sur un temps long, dans une logique de partenariat et de production locale ; un sens politique de l’art retrouvé… Pas de “rupture totale”, mais un système d’autorégulation fort, basé sur une large solidarité sociale.

    Lost in Transition

    Elena Polivtseva est chercheuse indépendante en politique culturelle européenne pour l’Institut Goethe, l’IETM et l’IFACCA. Sa présentation s’inspire d’une rencontre de l’IETM au Luxembourg en novembre 2023 qui a rassemblé 122 professionnel·les des arts. 

    La question principale est celle, récurrente, de « comment un secteur fatigué peut-il changer le monde actuel et quelle est sa responsabilité dans la transition ? ». Et parallèlement : « comment se fait-il qu’un secteur aussi varié, multiforme et puissant soit si peu sûr de lui et de son rôle dans cette transition ? »

    Cinq devises qui pourraient constituer la base d’un “secteur vert”

    • Accepter les responsabilités

    Nous assumons des responsabilités là où nous le pouvons et dans les limites de ce qui est faisable.

    • Transformer le système

    Nous ne mettons pas notre énergie à lutter contre le système, mais à le changer de l’intérieur. 

    • Explorer, piloter et mettre à l’échelle les solutions

    L’expérimentation fait partie de l’ADN du secteur : exploitons-la, l’expérimentation fait partie de la solution, mettons-la également en œuvre dans des structures plus importantes.

    • Etre présent dans l’instant et travailler sur le long terme

    Ne perdons pas le contact avec la réalité, soyons présent dans l’instant, mais pensons et travaillons sur un temps long

    • Aspirer à la justice sociale

    Cherchons toujours des formes qui soient inclusives et qui profitent au plus grand nombre possible de personnes.

    Cinq devises qui devraient constituer la base d’une “politique culturelle verte”

    • Transformer la reconnaissance en meilleures conditions

    La reconnaissance reste plutôt symbolique, il faut la rendre réelle en ajustant les circonstances/conditions et en récompensant la capacité de travail.

    • Accueillir l’inattendu dans l’art

    La grande force de l’art est qu’il est inattendu : inattendu = puissant

    Saisissez ce pouvoir, utilisez-le en façonnant la structure politique qui ne va pas automatiquement de pair avec les principes utilitaires actuels du secteur. Essayez de les transcender, en commençant par penser différemment à vos structures de financement. 

    • Être un allié, pas un point de pression

    Considérez le secteur comme un partenaire pour le changement social, le changement de comportement et d’attitude au lieu de toujours l’engager comme un activiste de gauche. Traitez les partenaires comme des égaux plutôt que comme un groupe de professionnels qu’il faut contrôler par-dessus tout. 

    • Se concentrer sur les communautés, pas sur les publics

    Se concentrer sur les “communautés”, les mouvements et les collectifs, le soutien et l’appropriation. Ne pas se focaliser sur le “public”, mais sur les citoyens, faire de l’art et de la culture un dialogue et une circulation à double sens, au lieu d’un monologue sur un piédestal.

    • Soutenir l’art au-delà du projet

    Transcender la pensée et le travail basés sur le projet : et si TOUS les aspects impliqués dans le processus de création, stimulant le dialogue et le tissu, étaient également pris en compte ?

    Dans les recherches réalisées sur les programmes culturels actuels des 27 États membres de l’UE, Elena Polivtseva n’a malheureusement trouvé aucune de ces visions. Lorsqu’on lui demande si nous avons besoin d’une politique “verte” spécifique , elle répond : “Nous n’avons pas besoin d’un guide en plus des politiques culturelles, nous devons repenser la politique culturelle par en dessous et depuis l’intérieur, d’une manière qui soit naturelle pour le secteur culturel. Partons du véritable pouvoir qui est si typique des secteurs culturel et créatif. Il semble nécessaire de réinventer le secteur, au lieu de suivre le mode de pensée actuel. Le point de départ, la base, devrait être d’essayer de travailler différemment avec les gens.“

    Elena Polivtseva

    Quelle est la stratégie pour adapter en profondeur une telle politique ? Elena Polivsteva se réfère à la récente publication de Justin O’Connor intitulée “Culture is not an industry“,

    comme source d’inspiration. Ce spécialiste australien de la culture plaide pour une réévaluation de la valeur intrinsèque de la culture : une approche qui va au-delà de l’économisation de la culture et donc de “l’industrie créative”. L’art et la culture devraient être un élément essentiel de la démocratie : un lieu où les idées peuvent être examinées librement et un terrain propice aux changements radicaux. Cependant, l’industrialisation de la culture a pour effet d’évincer la manière dont elle peut contribuer à l’imagination politique.

    Groupes de travail

    L’après-midi, les participant·es se sont réparti·es en quatre groupes de travail, afin de réfléchir et échanger sur les thèmes suivants, constitutifs d’une transition juste, dans laquelle l’art et la culture jouent un rôle de premier plan : 

    • Travailler à la transversalité : Tom Stevens (Reset) et Adrienne Nizet (The Shift)
      Il existe déjà d’innombrables bonnes pratiques dans le domaine, mais elles ne sont pas encore assez visibles et demeurent sectorielles. A une petite échelle, au niveau local, il est démontré que des pratiques transversales fonctionnent particulièrement bien et brisent les silos.
    • La politique du climat à l’échelle du secteur : Ann Overbergh (Kunstenpunt) et Brigitte Neervoort (coordination RAB/BKO)
      Développer des politiques adaptées, qui reconnaissent le secteur comme un acteur clé de la transition, en lui donnant un cadre tout en le laissant libre de se développer, par expérimentations, comme « exemplaire ». La confiance et le temps, l’espace et les ressources suffisantes sont des thèmes récurrents.
    • L’art, la transition et la participation : Benoit De Wael (Park Poetik) et Anne Watthee (Cultureghem)
      Grâce à l’échelle de participation, aplanie et décolonisée, la justice sociale et l’inclusion deviennent des principes de base d’une transition qui non seulement ne laisse personne de côté, mais qui sait aussi qu’elle gagne à écouter et à embrasser une diversité de voix.
    • La pratique artistique comme modèle : Nicolas Galeazzi & Liselore Vandeput (State of the Arts)
      La pratique artistique comme modèle et ses compétences comme atout. Sans vouloir la contrôler et l’instrumentaliser, mais au contraire en la libérant et en lui donnant ainsi des ailes pour ensuite en récolter les fruits.

    *SamenDurable est une initiative des réseaux culturels bruxellois RAB/BKO, Brussels Museums, La Concertation Action Culturelle Bruxelloise (LAC), en étroite collaboration avec EventChange et Pulse Transit Network. SamenDurable est soutenu par la Loterie Nationale, la Ville de Bruxelles, la Communauté flamande, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la COCOF.

    Version néerlandophone : https://www.pulsenetwerk.be/nieuwslijst/verslag-regards-croises-brussel

  • “Il faut pouvoir trouver une cohérence entre ce qu’on amène comme type d’art et la façon dont on le fait” – Entretien avec Léa Tarral

    “Il faut pouvoir trouver une cohérence entre ce qu’on amène comme type d’art et la façon dont on le fait” – Entretien avec Léa Tarral

    Le collectif 3ème Vague, basé à Bruxelles et actif depuis 2019, réunit les artistes Léa Tarral, Aurélien Leforestier et Maxime Arnould. Il questionne les pratiques de l’écologie politique dans le secteur des arts vivants. C’est-à-dire “l’étude d’un milieu donné, de ses modes de production et la façon dont la fiction capitaliste pèse sur le champ de l’art.” Entretien avec Léa Tarral pour en apprendre plus sur son fonctionnement et ses projets.

    Stephen Vincke- La Fabrique
    Performance La Fabrique – 3ème VagueCrédit : Stephen Vincke

    De la sortie des études à la création de 3ème vague

    Léa Tarral est dramaturge, elle accompagne les artistes dans leurs créations. Formée à l’Université Catholique de Louvain, elle a suivi un Master en dramaturgie avant de travailler au sein de différentes institutions, de théâtres, de faire de la production et de la diffusion : “J’ai fait un peu un tour du milieu du théâtre, des différents postes qui m’intéressaient afin de voir et comprendre les réalités diverses au sein des compagnies et des institutions ainsi que celles des artistes.

    Léa expérimente d’abord des formats plus classiques du théâtre en salle : “On commence à travailler sur un projet, on cherche des subsides, il y a un calendrier à respecter sur une période allant de un an et demi à éventuellement trois ans. On fait des répétitions et on arrive à la première et ensuite on essaie de diffuser le projet via des dates et de les vendre. Il faut se rendre compte que c’est un secteur très difficile et concurrentiel, il y a beaucoup de sortant·e·s des écoles d’art et pour chaque saison – dans une certaine idée du théâtre en salle -, il y a peu de places. Il y a beaucoup de difficultés à monter des projets et à les rémunérer.

    Cette dynamique et aussi le fait qu’elle a occupé tous ces postes de production, de diffusion, d’accompagnement, d’observation et pas uniquement de porteuse de projet, l’amènent à questionner les modèles de production et de diffusion du secteur : “J’ai perçu un épuisement généralisé et je l’étais moi-même aussi. C’est à ce moment-là que s’opère le lien avec 3ème vague, c’est mon déplacement sensible, politique et avec l’expérience acquise aussi, concernant la façon dont j’ai envie de m’inscrire dans le secteur. J’accompagne aussi un mouvement porté par certaines personnes – notamment à la sortie de la pandémie – de l’idée de ralentissement qui est croisé avec les questions écologiques, celles liées au temps, à celui qu’on accorde à certaines activités. Ainsi se placer dans le sillage de la pensée qui souhaite décentrer la notion de travail au profit d’autres temps et vies. J’ai beaucoup déplacé et questionné ma pratique en tant que dramaturge, ma façon d’accompagner les artistes. Au fur et à mesure, j’ai aussi voulu ne pas seulement accompagner les projets sur certaines thématiques mais penser l’ensemble du cadre de production du projet de manière cohérente et donc de m’assurer de dialoguer avec les artistes des questions de bien-être au travail par exemple, des relations. J’ai essayé de collaborer avec des personnes qui, sur le plan éthique, me paraissent cohérentes. Et aussi par rapport aux sujets, parfois politiques, qui sont abordés au sein des projets que j’encadrais.” 

    C’est notamment de ces réflexions que naît le Collectif 3ème vague : “c’est un groupe de travail où nous sommes trois. Ce n’est pas un spectacle ou un projet de spectacle, c’est un groupe de réflexion en parallèle de nos projets personnels. C’est un temps qui est en partie bénévole et qui s’inscrit dans une réflexion au long cours vu que cela dure depuis 2019 et j’espère que ça va pouvoir durer encore longtemps. On y articule la question de l’écologie dans le secteur théâtral car c’est un secteur que l’on connaît bien et dont on maîtrise les codes grâce à nos pratiques et nos expériences.”

    Pourquoi le nom 3ème Vague : déjà car iels sont trois, cela fait aussi référence aux mouvements de luttes et souligne l’idée d’une pensée en mouvement. C’est aussi un titre ironique car si on parle de deuxième vague sur certaines idées, la troisième serait celle qui arrive trop tard et c’est là une manière pour le collectif de se bousculer. Enfin, cela vient aussi du vocabulaire maritime et des vagues scélérates : quand un bateau prend une première grosse vague de plein fouet, il peut se repositionner et affronter une deuxième vague mais la troisième est celle qui le fera chavirer. 
    Dans le même bain – 3ème Vague

    Réflexions, ateliers et recherches expérimentales au cœur du collectif

    Outre la dimension réflexive menée par Léa, Aurélien et Maxime et leurs interventions auprès des institutions, par exemple au travers de conférences, le Collectif développe aussi une dimension artistique en travaillant avec d’autres artistes via des ateliers mais aussi en menant des recherches expérimentales, sous des formes radicales afin de voir jusqu’où on peut pousser les questions écologiques. 

    C’est dans cette optique de recherche expérimentale que se concrétise “Les scélérates” : “Ce projet avait pour point de départ la question “et si on imaginait un spectacle poussé le plus loin possible en matière de questions écologiques ?” On a ainsi décidé qu’on ne tournerait pas et concrètement cela impose une forme spécifique. Pour ce faire, on a créé une partition textuelle et gestuelle enregistrée par nos soins en audio, donnée avec des règles précises à d’autres artistes et dans d’autres localités. Ces artistes ont un temps défini pour entrer en lien avec nous et organiser cette matière avec des endroits imposés et des endroits libres. Cette forme était assez expérimentale et envoyée sous forme de kit par la poste – une des règles était que le kit puisse entrer dans une boîte aux lettres-. L’enveloppe était composée de clefs usb, un fascicule explicatif partageant aussi le volet sensible de l’œuvre et des informations pour nous contacter. Ce premier projet de par son aspect très expérimental et très radical a très peu joué. Nous l’avons joué dans une localité très réduite, en l’occurrence en Belgique dans des lieux très diversifiés. La plupart des lieux à l’étranger étaient très intéressés par les questions de recherche formelle mais voulaient absolument que ce soient nous qui le jouions. Face à cela s’est posée la question de modifier notre protocole de départ (celui de ne pas tourner) ou à l’inverse de conserver le projet tel qu’il avait été imaginé. Finalement, on a décidé de maintenir les exigences très hautes qui entouraient le projet et de considérer celui-ci comme un potentiel échec, mais le cas échéant de savoir ce que cet échec raconte : des difficultés du secteur à articuler différemment les choses, un manque de notoriété pour pouvoir proposer un tel projet, un manque d’intérêt pour le projet, etc. Toutes ces questions sont valables et ce projet a bien marqué le début du Collectif et qui permet d’expérimenter à partir de cela.

    “Les scélérates” se rapproche ainsi du projet mené par Katie Mitchell “A play for the living in a time of extinction” : “On préparait déjà le projet quand on a vu le sien, et on était content·e·s de voir qu’avec les ressources logistiques et économiques suffisantes, c’est réalisable. De plus, un des objectifs de 3ème Vague est aussi de venir contrarier le rapport entre artistes et l’aspect concurrentiel du secteur, mais aussi l’idée d’originalité puisque on a renoncé à nos droits d’auteurs et notre texte est accessible en open source. Le fait de mettre le texte en accès libre s’inscrit dans une idée politique du partage de connaissances, des savoirs et des sensibilités qui va à l’encontre du courant qui prédomine la culture théâtrale en Europe aujourd’hui. 

    Changer les modèles culturels via le rôle social du théâtre

    Lors du Forum de la Culture Durable 2023, Léa intervenait sur la question de la liberté artistique face au besoin de sobriété écologique. Le sujet des récits véhiculés par les œuvres et performances a fait surface ainsi que l’importance de pouvoir les transformer :  “L’art véhicule des récits s’inscrivant dans un récit global qui est celui du système économique dans lequel on vit, en l’occurrence le capitalisme. L’art, comme les autres secteurs, a englouti ces récits et se fait le miroir des valeurs capitalistes (extractivisme, rareté, quantité,…). Je pense personnellement qu’on pourrait souhaiter autre chose. Mon propos est anthropocentré et défini culturellement par une personne blanche vivant en Europe de l’ouest. Il doit y avoir d’autres récits possibles, énormément de cultures vivent l’art via d’autres récits. Si on prend par exemple l’art en salle qui est une invention bourgeoise au sens sociologique du terme et qui est très jeune, au même titre que d’autres cadres sociaux (mariage, famille) très occidentaux, a déplacé les fonctions nourricières des récits communs et qui ont été brigués par les classes dominantes. Je pense que le théâtre de rue apporte beaucoup plus de choses à la réflexion, c’est un secteur que je connais peu personnellement mais j’aimerais l’explorer davantage. J’ai toujours senti une condescendance du théâtre en salle vis-à-vis des autres formes de théâtre. Avec la pandémie il était de bon ton, tout d’un coup de sortir des théâtres et d’aller à la rencontre des publics comme si c’était quelque chose de complètement neuf alors que des gens font cela depuis toujours. Je pense que des gens pratiquent de manière très concrète une écologie du secteur depuis très longtemps, de manière locale et moins visible. Les idées partagées par 3ème Vague existent en partie depuis les années 70 par exemple et il serait illusoire de penser que tout ce qu’on prône est neuf.” Léa poursuit en évoquant le fait que de nombreuses structures avancent de manière poussée sur ces questions. C’est notamment le cas de State of The Art du côté néerlandophone qui s’interroge de manière très pertinente sur la place de l’art dans la société et qui fait émerger des propositions concrètes sur la manière de changer les modèles culturels. 

    Face à cette question qui est celle de changer les modèles culturels, on peut questionner le rôle social du théâtre : “On évoque énormément la médiation culturelle et il faut dire que certaines structures font des choses très bien. Mais est-ce que dans un système aussi pyramidal que celui des grosses maisons ça intègre vraiment l’ensemble du maillage social allant des jeunes précarisés en passant par les prisons ? On entend toujours qu’il faut ramener des gens dans les théâtres, c’est l’expression qui ressort systématiquement, mais ne faudrait-il pas commencer par les y amener, la plupart n’y ayant jamais été. On constate ainsi une rupture entre les institutions et les publics. Fondamentalement c’est comme la notion d’artiste “professionnel”, cette façon de segmenter les gens. Je n’y souscris pas spécialement, c’est presque comique pour moi. Même si ça soulève des questions légitimes en matière de rémunération. Je pense que la question de l’art et de ce qui est artistique doit être articulée autrement . Il y a plein de choses qu’on considère très artistiques et d’autres moins, cela mérite de se demander pourquoi. Ça rejoint la question écologique des temps longs : les ateliers, les workshops par exemple dans lesquels certain·e·s artistes viennent passer cinq jours sur un territoire. Que peut-on vraiment articuler ensemble si on ne connaît pas le territoire en question et sa culture ? Il y a beaucoup de lieux, notamment en France et en Italie, qui essaient d’intégrer cette dimension dans leur démarche mais c’est local et il y a très peu de diffusion et donc on en entend forcément beaucoup moins parler. Ces choix imposent une forme de sobriété et je comprends tout à fait que cela ne fasse pas rêver tout le monde.”

    Si les questions abordées par le Collectif 3ème Vague se veulent ouvertes et en constante évolution, il y a des aspects sur lesquels il se veut ferme. Le Collectif trouve ainsi totalement contre-productive et moralisatrice l’idée qu’on pourrait atteindre une éthique irréprochable : “On voit aujourd’hui des artistes qui sont presque dans la punition en refusant dorénavant de collaborer avec des compagnies qui prendraient l’avion par exemple. Je trouve ça contre-productif et complètement con. Ce sont des idées de personnes extrêmement privilégiées qui ont souvent eu l’occasion de tourner mondialement en étant diffusées depuis des pays européens qui le permettaient et qui les finançaient. C’est une manière particulière d’articuler la chose surtout face à des compagnies qui viennent d’autres parties du monde et qui commencent seulement à pouvoir potentiellement tourner elles aussi. Après, tout est une question d’échelle et de projet artistique, si on prend 3ème Vague et Les scélérates par exemple, c’est une idée qui fonctionne pour nous à un moment précis dans une forme expérimentale que je trouve cohérente. De plus, le fait qu’on soit politiquement engagé ne nous empêche pas de considérer notre pratique comme artistique. La réponse doit toujours être l’art dans le sens où elle doit créer une forme de sensibilité. Je ne suis pas là pour trancher entre ce qui est bien ou pas. Il faut pouvoir trouver une cohérence entre ce qu’on amène comme type d’art et la façon dont on le fait.”

    Pour poursuivre cet entretien et l’ensemble des questions qu’il soulève, nous avons demandé à Léa de nous partager quelques recommandations : 

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    ¹ Sur la question des droits d’auteurs, Léa Tarral nous invite à regarder la conférence-spectacle d’Antoine Defoort “Un Faible Degré d’Originalité” : http://www.amicaledeproduction.com/projets/fdo.php 
    ² À l’instar du mouvement open-source en informatique.

  • Regards croisés. Culture et durabilité : Rapport de la journée à Gand du 26 mars

    Regards croisés. Culture et durabilité : Rapport de la journée à Gand du 26 mars

    En 2024, Pulse, EventChange et Rab/bko organisent, dans le cadre de SamenDurable, trois activités bicommunautaires et interrégionales pour les acteur.ice.s culturel.le.s répartis entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Le but est de briser les silos, d’échanger idées et réflexion critique mais aussi de diffuser et traduire en français et néerlandais les initiatives, les outils et les méthodes en matière de durabilité dans le secteur culturel belge.

    Après une visite stimulante au Théâtre de Liège , nous étions à Gand le mardi 26 mars, au VierNulVier à De Vooruit pour une présentation de Greentrack Gent, avec 34 participants du secteur culturel francophone et néerlandophone.

    Après une brève introduction par EventChange et Pulse, Jeff De Maeyer de Terreurwilg et Aurélien Leforestier et Maxime Arnould du Collectif 3ème Vague ont pris la parole. Chacun d’entre eux a expliqué comment les questions écologiques influencent leur travail et comment ces préoccupations jouent un rôle important dans leur pratique artistique.

    Le regard de ces artistes sur l’ensemble du cycle est essentiel, non seulement pour favoriser le dialogue et l’échange entre créateur·rice·s et institutions, mais aussi pour apporter une vision, parfois plus radicale, absolument indispensable au changement de paradigme. Lors de la journée de clôture du cycle le 21 mai à Bruxelles, ces artistes animeront un atelier sur les “solutions radicales à une époque radicale”.

    L’importance d’échanger

    Le matin, les participant·e·s ont fait connaissance à des tables de discussion pour échanger sur le travail de chacun·e dans les secteurs culturels flamand, wallon et bruxellois. Nathalie Decoene a ensuite présenté Greentrack Gent dont la dynamique de coopération est essentielle. En 2012, quelques organisations culturelles locales ont fondé Greentrack Gent sur la base d’un engagement volontaire et l’idée centrale qu’il serait plus logique de pouvoir partager les connaissances et l’expertise en matière de durabilité entre collègues de différentes structures et d’unir ainsi leurs forces. Dès le départ, l’intention était de construire un réseau performant avec deux coordinateur·rice·s à temps partiel sous la forme d’une association indépendante sans but lucratif avec ses propres ressources basées sur des cotisations de membres et des subventions de la ville. En 2022, Greentrack Gent a fusionné avec le Gents Kunstenoverleg et, sous le même nom, incorpore tous les thèmes de durabilité dans le secteur culturel local gantois.

    Une approche durable pérenne

    Greentrack est un “Think & Do Tank”, un groupe de réflexion et d’action, du secteur culturel gantois qui travaille sur les questions de durabilité au sens large. Ils ne se focalisent donc pas uniquement sur la question écologique et de réduction d’émissions de la durabilité mais également sur les questions de résilience, d’inclusion de biodiversité, d’adaptation etc. Si la structure est soutenue par la ville de Gand et que la majorité de son champ d’action se porte sur celle-ci, cela ne l’empêche pas d’avoir un rayonnement plus large en étant connectée avec, notamment, Pulse Transitienetwerk, Samen Durable ainsi que Creative Carbon Scotland à l’international par exemple.

    Le réseau Greentrack fonctionne de manière “bottoms-up” mais cela n’empêche pas la structure de mener d’autres projets qui lui sont propres. Iels organisent des séances d’information, des ateliers, des accompagnements plus ciblés, une université d’été mais sont aussi aux commandes d’une plateforme d’apprentissage, d’achats groupés et de coachings énergétiques par exemple. Parmi les outils que Greentrack met à disposition il y a “15 étapes pour une organisation durable” et la “Liste de contrôle des événements durables”, également disponible sur Cultuurzaam. Greentrack a développé cette dernière liste de contrôle en collaboration avec Boomtown, le festival de musique gantois qui a introduit les gobelets réutilisables en 2013 et qui est l’un des pionniers dans le domaine des festivals durables.

    Greentrack soutient la candidature de Gand en tant que Capitale européenne de la culture en 2030. L’ambition étant de construire un secteur culturel gantois basé sur 4 piliers : 

    • Équilibre écologique
    • Imagination poétique
    • Justice sociale
    • Résilience

    Ces piliers sont le fruit d’une collaboration avec le secteur culturel après l’émergence du fait que de nombreuses organisations désireuses de travailler ensemble sur les questions climatiques ne savent pas par où commencer. C’est ainsi qu’est née une récente banque circulaire de matériaux pour et par le secteur culturel.

    Ces dernières années, Greentrack a également lancé de nombreux projets artistiques qui touchent à la fois les organisations culturelles, les artistes et le public. Par exemple « Beeld/Verhaal », sur la narration de bonnes pratiques dans les organisations culturelles, « DRIFT », un projet artistique sur l’adaptation au climat, « 2084 », un recueil d’histoires avec des visions radicalement positives de l’avenir, « Cultural Adaptations », un Projet (de recherche) européen sur la valeur ajoutée de l’art et de la culture pour l’adaptation au climat, etc.

    Tout comme Pulse, Greentrack estime que la culture et la transition peuvent se renforcer mutuellement. D’une part, la culture peut réduire l’impact sur la planète en travaillant consciemment sur l’équilibre planétaire comme ligne directrice, d’autre part, la culture touche directement le public. De cette manière, la culture peut contribuer au changement de mentalité nécessaire.

    Nathalie Decoene a exposé quelques projets concrets et a ensuite laissé place à la réflexion et aux questions. Une question importante pour de nombreu·x·ses participant·e·s concernait la possibilité de lancer une initiative telle que Greentrack dans d’autres villes et l’importance de la taille de la ville et de bonnes relations avec le maillage urbain dans son ensemble.

    Plan d’action durable de VierNulVier

    L’après-midi, Franky Devos, coordinateur de VierNulVier, a détaillé le plan d’action durable du Centre artistique de Gand. Le « Groen Vooruit » : un ensemble d’actions individuelles et collectives, telles que des ruches sur le toit, une journée végétarienne, un éclairage LED et une journée du pull chaud, a été lancé en 2009 comme une initiative volontaire de plusieurs collaborateur·rice·s et est devenu partie intégrante du la mission, vision et donc aussi du fonctionnement de l’organisation. Grâce à des “éco-teams” transversales au sein du personnel, le plan d’action durable a pris forme à partir de 2019 et sa réalisation s’est accélérée, en partie suite à la crise du COVID-19.

    Le plan d’action est structuré autour de 7 actions majeures : « alimentation & boissons », « mobilité », « bâtiment & infrastructures », « consommation d’énergie, gestion de l’eau & émissions atmosphériques ». », « achats & politique matérielle », « environnement numérique » et « travailler au Centre d’Art de VIERNULVIER ». Iels mesurent chaque année les progrès en fonction de trois catégories :  « réalisé », « en cours » et « nouveau ».

    Par exemple, en matière de mobilité, les programmateur·rice·s ont décidé de se limiter à 5 vols par an pour l’ensemble de l’équipe. Cela les oblige à faire des choix réfléchis, mais se traduit également par un contact plus étroit avec d’autres programmeur·rice·s grâce à des consultations (en ligne) sur la prospection de nouvelles créations. La cuisine du centre artistique suit le principe LEF : local, écologique et fairtrade. La viande est toujours au menu, mais le plat du jour est obligatoirement végétarien par, les fournisseur·euse·s ne viennent jamais de loin, le personnel de cuisine fait preuve de créativité avec les surplus de nourriture et prépare chaque jour un lunch végétarien pour toute l’équipe.

    VierNulVier continue d’avancer et explore toujours de nouvelles possibilités. Par exemple, le centre a récemment collaboré avec le Rotterdam Nieuwe Instituut pour développer un ZOÖP, un modèle organisationnel de coopération entre la vie humaine et non humaine qui sert les intérêts de toutes les « zoë » (du grec « vie »). La numérisation apparaît également comme un nouveau défi majeur. À cette fin, VierNulVier se concentre principalement sur une réduction de streaming, sur l’intranet plutôt que sur le trafic e-mail et sur la sensibilisation du personnel à l’empreinte numérique. Nous avons ensuite pu découvrir les nombreuses réalisations et projets à réaliser lors de la visite guidée de l’impressionnant bâtiment, au cours de laquelle les employé·e·s de VierNulVier ont guidé le groupe à travers les bureaux, la scène, les backstages et la cuisine.

    Franky Devos a aussi présenté le Stadsatelier : élément central de la programmation artistique de VierNulVier. En son sein, l’accent est davantage mis sur l’implication sociale des artistes. Artistes, collectifs et organisations partenaires pensent et travaillent de manière transversale sur trois angles : l’esprit humain, les relations sociales et l’environnement. Iels présentent tous les deux ans leurs créations lors du « Openbare Werken Festival ».

    Lors de la journée finale de Regards Croisés au Globe Aroma à Bruxelles le 21 mai, EventChange et Pulse reviendront sur les discussions menées à Liège et à Gand. Nous questionnerons aussi, avec SamenDurable, les nouvelles formes de collaboration possibles en matière de durabilité au sein du secteur culturel bruxellois. Plus d’informations sur la journée à Bruxelles et inscriptions via ce lien. Vous avez une question sur le projet ? Envoyez nous un email sur eventchange@pastoo.be

    Des personnes des organisations suivantes ont participé à la visite à Gand: argos, ASBL PANAMA, asbl Pola, atelier 210, BRASS, Collectif 3e Vague, Commission Européenne, Commune d’Ixelles, Court-Circuit, De Roma, Democrazy/Boomtown, Ecofest, EventChange, Forest Centre Culturel ASBL, Ghent Festival of Flanders, GKO/ Greentrack, GLEAN MAGAZINE, Hainaut Culture, Imagine, Demain le monde, Kanal, Libre, Maison de l’histoire européenne / House of European History, Mars, MSK, Musée des Transports en commun de Wallonie, Province de namur, Pulse Transitienetwerk asbl, RAB/BKO, Service Culture de la ville de Bruxelles, Terreurwilg, Théâtre de Liège, Théâtre National Wallonie Bruxelles, Théâtre Océan Nord, UGent, ULB, VI.BE, VIERNULVIER et asbl Viridis.

    Regards croisés, la durabilité au-delà des frontières linguistiques est un projet qui a été créé dans le cadre de la coopération culturelle entre les communautés flamande et wallonne.